mercredi 15 février 2012

AUCHE, AILLEURS, OÙ L'ON POSERA PLUS DE QUESTIONS QU'ON N'EN RÉSOUDRA » (DOMINIQUE DE ROUX). ACCUEIL PLAN CONTACT Archives de la catégorie 'En Afrique Après le « Printemps arabe », l’hiver du chaos, de la charia et de la dictature par Marc ROUSSET 18 décembre 2011 Les lendemains de la victoire indigne contre Mouammar Kadhafi menacent de déchanter. Seule l’Afrique du sud aura sauvé l’honneur jusqu’au bout, le vrai coupable étant le clan réformiste de Dmitri Medvedev qui, en s’éloignant de la « Realpolitik » de Vladimir Poutine, en s’abstenant lors de la résolution 1973 qui autorisait le recours à la force pour protéger les populations civiles, aura laissé s’engouffrer dans la brèche l’impérialisme et l’hypocrisie droit-de-l’hommiste. Dmitri Medvedev ne l’aura donc pas « volé « s’il se retrouve prochainement simple président de la Cour constitutionnelle de la Russie à Saint-Pétersbourg. Moscou a été floué. Paris et Londres ont outrepassé le mandat accordé par les Nations unies et trahi Medvedev en renversant Kadhafi, sous couvert de « responsabilité de protéger » les civils. Nicolas Sarkozy et David Cameron ont tout simplement pris parti dans une guerre civile, comme Hitler et Mussolini pendant la guerre d’Espagne. L’intervention cynique de l’O.T.A.N. aura eu non seulement pour seul effet d’augmenter le nombre de morts libyens par rapport aux morts virtuels de Benghazi, mais en plus elle aura eu pour effet, en détruisant l’État libyen, de conduire la Libye vers l’abîme. La réalité tribale en Libye Le Conseil national de transition (C.N.T.) n’est pas représentatif de la Libye ! Le C.N.T. devra accorder aux rebelles de l’Ouest (la grande tribu arabe des Zintan du djebel Nefoussa) une place conforme à leur rôle militaire. Les habitants de Misrata, descendants des Turcs, ont pris les armes contre le régime immédiatement après ceux de la Cyrénaïque car la moitié de la population de Benghazi descend d’immigrés originaires de Misrata. Le sentiment d’appartenance tribale et non les bobards démagogiques de Monsieur Bernard-Henri Levy au sujet de la démocratie, des droits de l’homme et de la liberté individuelle, est la donnée fondamentale de compréhension des réalités libyennes. Il va s’agir de répartir la rente pétrolière en veillant à respecter les équilibres entre tribus et régions, d’où comme en Irak et surtout en Somalie le risque de conflits sans fin entre tribus menaçant l’unité et la paix du pays. L’échiquier libyen est complexe : la région de Bani Walid est le fief des Ouarfalla; Tarhoufa est le fief de l’importante confédération tribale des Tarhouna; Syrte, d’où est originaire Mouammar Kadhafi est le fief des Kadhafa; le Fezzan est le fief des populations kadhafa, magariha, hassouana et touarègues rétribuées et recrutées par le régime; les habitants de Taourgha manifestent une méfiance ancienne à l’encontre des habitants de Misrata; la population jaramna de Ghadamès, à la frontière algérienne, est toujours demeurée fidèle au pouvoir. On prend encore mieux conscience du puzzle tribal lorsqu’on apprend que Mizda, fief des Malachiya et des Aoulad Bou Saif, ainsi que les oasis d’Aoujila, Waddan, Houn, Soukna et Zliten, fief des Aoulad Shaik, se méfient de ceux de Misrata (1) ! Il faut savoir enfin qu’en Cyrénaïque, l’État libyen est très marqué par l’existence sous-jacente de mouvements islamistes et de la puissante secte sénoussie qui avait donné naissance à la première monarchie de 1947. Les tribus en Tripolitaine considèrent les gens de la Cyrénaïque comme des péquenauds prenant le pouvoir et imposant leur nouveau drapeau (le drapeau de la Cyrénaïque, soit un rectangle noir avec un croissant d’islam blanc, avec seulement deux bandes supplémentaires, une rouge pour le Fezzan et une verte pour la Tripolitaine). Bref, l’O.T.A.N. avec ses bombardements unilatéraux, ses porte-avions et ses hélicoptères a fait pencher la balance des armes du côté du C.N.T., sans tenir compte de l’équilibre des forces sociologiques propres à la Libye. Les médias du politiquement correct se sont bien gardés de dire que tous les Noirs en Libye, soupçonnés d’être des mercenaires, font l’objet d’exactions de la part des fiers combattants du C.N.T. car cela ne correspondait pas aux contes de fées droit-de-l’hommistes du nouveau paysage libyen. Les risques de chaos et de tentation islamiste en Libye Dmitri Rogozine, ambassadeur de la Russie à l’O.T.A.N., a admirablement bien résumé la situation en Libye et du « Printemps arabe » : « Nous ne nous sommes pas fait d’illusion sur Kadhafi, mais nous ne partageons pas votre vision du monde arabe. Vous pensez que c’est le rendez-vous de l’islam et de la démocratie. Nous croyons que c’est un choix entre un tyran et Al-Qaïda (2) ». De son côté, le C.I.R.E.T. (Centre international de recherche et d’étude sur le terrorisme) s’est inquiété, en revenant de Libye, de l’existence d’une tentation islamiste parmi les insurgés. Son rapport dénonçait le projet d’instaurer une charia islamique dans la Libye d’après Kadhafi. Il n’est un secret pour personne que des islamistes radicaux se sont battus dans les rangs rebelles. Abdelhakim Belhadj est devenu le gouverneur militaire de Tripoli, non reconnu par les tribus de l’Ouest qui ne veulent pas se faire voler leur « victoire ». Capturé par la C.I.A. en 2003, nommé « émir » du Groupe islamique combattant libyen (G.I.C.L.), adoubé par Ben Laden en 2007, il est connu pour avoir été proche de Zarqaoui, le chef d’Al-Qaïda en Irak. Il n’est pas le seul ancien du C.I.C.L. à avoir été propulsé à un poste militaire de premier plan en Libye. Les objectifs démocratiques des pays occidentaux sont du pain bénit pour les islamistes radicaux, comme cela a failli être le cas en Ouzbékistan si la Russie n’était pas intervenue en 2005 pour mettre en place un dictateur à poigne, Islam Karimov, seul capable d’écarter le danger islamique. La lutte en Libye va, d’ici peu, devenir féroce entre les laïcs et les islamistes. Il est également clair que si le C.N.T. ne parvient pas à démilitariser les milices, ce qui est plus que probable, ni à instituer les conditions de la stabilité et de la sécurité, des conflits lancinants entre tribus apparaîtront, tout comme en Somalie ! Voilà où nous conduit la pantomime démocratique de Nicolas Sarkozy qui, une fois encore, veut nous faire prendre les vessies libyennes pour des lanternes ! Tout cela n’est pas sans nous rappeler la Somalie, où après la défaite du groupe islamiste Al-Shebab, les luttes chaotiques et violentes ont commencé entre les clans pour savoir qui, après vingt années de conflit, prendra le contrôle du pays. La situation actuelle est la pagaille la plus complète et l’instabilité la plus totale avec la création de vingt mini-États surarmés non viables qui se disputent le pouvoir dans une ambiance de guerres régionales. On ne peut pas également ne pas penser à l’Irak avec la suppression des institutions solides de Saddam Hussein et l’absence totale de cohésion entre sunnites et chiites, Arabes et Kurdes. Les Irakiens reprochent aujourd’hui aux États-Unis comme demain les Libyens à la France et à la Grande-Bretagne d’avoir mis en pièces leur société et d’envisager de se retirer sans réparer les dégâts, avec en prime pour enjoliver le tableau la disparition programmée des chrétiens ! L’après-« Printemps arabe » en Égypte, Libye et Tunisie Je reviens personnellement d’un voyage en Égypte cet été. Les Égyptiens se fichent comme de l’an 40 de la démocratie ! Ce qu’ils veulent, c’est croûter, comme nous le répétait notre guide copte et comme me l’a montré le cocher d’une calèche à Louxor en attirant mon attention sur son estomac et la maigreur de son cheval ! Or le problème fondamental, même si l’on tord le cou à tous les Moubarak et les oligarques égyptiens de la terre, c’est que l’Égypte, avec sa population de quatre-vingt millions d’habitants sur 4 % du territoire utile autour du Nil, entouré de toutes parts du désert, n’est pas un pays viable ! Et cerise sur le gâteau, suite à l’éviction de Hosni Moubarak, le premier ministre égyptien Essam Charaf a jugé que le traité de paix signé en 1979 avec Israël, premier ratifié entre l’État hébreu et un pays arabe, n’était pas sacré ! La mise à sac des archives de l’ambassade d’Israël au Caire, avec destruction d’un mur d’enceinte, est venue couronner les prémisses du désastre, de la catastrophe monumentale qui s’annonce ! Tout cela se terminera donc par une nouvelle dictature militaire ou la chape de fer de la charia islamique pour ramener l’ordre dans les chaumières, sans remplir les estomacs pour autant ! Même chose en Libye, mais pays riche par rapport à sa population, contrairement à l’Égypte. Les Libyens veulent avant tout du travail, une bonne éducation pour leurs enfants, de bons hôpitaux, vivre normalement. C’est ce qu’ils avaient avec Mouammar Kadhafi qui de plus, avait amélioré la condition féminine. Les Libyens, suite aux chimères et rêveries de liberté démocratique, risquent bien de tout perdre sans jamais avoir de liberté individuelle. Pour autant les réalités holistes de la tribu s’imposant à tous, ils risquent de tout perdre pour leur qualité de vie, avec en prime des guerres intestines incessantes et des violences sans fin. Il est fort probable que d’ici peu de temps, les Libyens vont commencer à regretter Kadhafi, nonobstant les haines tribales des gens de Benghazi et de Misrata qui, au mieux feront place aux haines nouvelles des tribus pro-Kadhafi, soit un prêté pour un rendu . Quant à la Tunisie, l’impression de gâchis de la « Révolution de jasmin » est chaque jour plus forte. En 2011, l’insécurité a nettement augmenté; les troubles, les grèves augmentent et la fréquentation touristique a baissé de 40 % tandis que les recettes baissaient de 50 %. La guerre civile avec les islamistes qui tentent de miner les institutions laïques est maintenant possible. De 1990 à 2010, la Tunisie avait augmenté de 3,4 % par an sa valeur ajoutée manufacturière par habitant, alors qu’au mieux, elle sera proche de 0 % en 2011. L’éviction de Ben Ali est donc une catastrophe pour la Tunisie, même si lui et sa famille s’en mettaient plein les poches ! En Tunisie, on ne peut pas ne pas penser aux grenouilles qui demandent un roi. La Tunisie connaîtra demain soit une dictature militaire soit la prise de pouvoir par les islamistes. Quel avenir ? Il est probable que les barbus tunisiens d’Ennadha et leurs compères égyptiens des Frères musulmans, tout comme leurs compères libyens, attendent le moment propice pour récolter ce qu’une main invisible a semé durant le « Printemps arabe ». En Libye, le C.N.T. rase dores et déjà gratis ! Le C.N.T. se donne huit mois pour rédiger une constitution s’appuyant sur la charia et non pas sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ce qui était le prétexte de l’intervention occidentale ! Et avec beaucoup de chance, des élections auront lieu après environ vingt mois ! D’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts dans le désert libyen ! Il semble que, dans le contexte de la « Pensée unique », Nicolas Sarkozy et les charlatans du « Politiquement correct », du droit-de-l’hommisme, de la démocratie universelle in abstracto, de l’Irrealpolitik, n’aient pas tenu compte des réalités politiques, historiques, sociologiques et économiques des pays arabes. Il leur suffisait cependant de retenir les leçons du renversement du Shah d’Iran par l’Ayatollah Khomeiny ainsi que du très difficile rétablissement de l’ordre et de la paix par la Russie dans le Caucase, en Ouzbékistan et en Asie centrale ! Marc Rousset Notes 1 : cf. « Libye, les conditions de l’unité nationale », dans Le Monde diplomatique, septembre 2011, p.16. 2 : dans Le Figaro, samedi 18 septembre 2010. Pour l’Afrique du Nord des régions et des ethnies par Georges FELTIN-TRACOL 25 septembre 2009 Vingt ans après la répression sanglante du « printemps berbère » qui accéléra la constitution d’un mouvement revendicatif culturel kabyle, la Kabylie s’est une nouvelle fois soulevée en avril 2001 contre la pesante tutelle de la clique kleptocratique d’Alger. Le retour au premier plan de la question berbère montre l’inexistence d’une quelconque nation algérienne. Avant 1962, celle-ci n’existait pas et sa réalité reste depuis fantomatique. Dans son histoire, l’actuelle « Algérie » fut tour à tour phénicienne, romaine, vandale, byzantine, arabe, ottomane, française. L’appellation même « Algérie » résulte d’une décision française ! Soucieux de concision, le ministre secrétaire d’État à la guerre de la Monarchie de Juillet, Schneider, ordonna, le 14 octobre 1838, le remplacement des expressions « possessions françaises d’Afrique du Nord » ou « régence d’Alger » par celle d’« Algérie ». En 1962, malgré des défaites militaires cinglantes, le FLN, pétri d’influence jacobine, voulut édifier un État-nation socialiste et arabisant sur l’écrasement des minorités d’origine juive et européenne ainsi que des peuples kabyle et touareg d’ethnie berbère. L’ethnie berbère On a tort de croire l’Afrique du Nord (ou Maghreb) uniquement peuplée de populations d’origine arabe. Bien avant leur arrivée vivaient déjà les Berbères. L’origine du nom est confuse. Certains linguistes le rapprochent du grec « barbaros » qui désignaient chez les Gréco-Romains tous ceux qui ne s’exprimaient pas en latin ou en grec. D’autres estiment que le mot vient de l’arabe « kbaïl » qui veut dire « tribu » avant qu’il soit francisé après avoir été utilisé pour la première fois au XVIIIe siècle par des voyageurs anglais. Les Berbères s’appellent « Imazighen » (on prononce « Imazirène », pluriel d’« Amazigh »), ce qui signifie « Hommes libres ». Cette désignation qualifie correctement cette ethnie traditionnellement rétive à la domination étrangère (1). Les Imazighen parlent une langue complexe (2) qui se divisent en différents parlers. Présents en Afrique septentrionale dès la Préhistoire, les Imazighen ont fondé dans le passé des puissants royaumes avec les Numides de Jugurtha, les Gétules et les Garamantes dont la menace était permanente pour le limes romain, ou les Maures. Le modèle le plus connu de résistance berbère est leur « Jeanne d’Arc » : la Kähina qui s’opposa l’invasion arabe. Les Imazighen représentent aujourd’hui un groupe ethnique d’une vingtaine de millions de personnes, se répartissant sur environ 5 millions de km2. Ils sont les plus nombreux au Maroc (40 % de la population, soit 12 millions de personnes) où ils occupent principalement l’Atlas et le Rif. La Kabylie compte 6 à 7 millions d’Imazighen, soit les deux tiers de la nation berbère en « Algérie ». Le dernier tiers est plus composite avec un million de Chaouis dans les Aurès, 100 000 Mozabites ibadites (3) dans la vallée du Mzab près de Ghardaïa et 50 000 Zénètes (Imazighen noirs) vivant dans le Sud-Ouest « algérien ». Enfin, il y a les « Hommes bleus », les Touareg dont l’écrivain Pierre Benoît crut qu’ils descendaient des mythiques Atlantes. Estimé à un million, ce peuple fier et nomade se répartit entre l’« Algérie », le « Niger », le « Mali », la Libye et le Burkina-Faso. Leur prise de conscience identitaire fut longue, d’autant que, par lâcheté, la France céda aux « Algériens » les territoires du Sahara qui n’avaient jamais fait partie des départements français d’Algérie et dont il avait été prévu à l’origine le placement sous un condominium franco-africain ! Dans les années 1990, au nom de leur identité culturelle et de leur mode de vie traditionnel bafoués, les Touareg prirent les armes contre le « Niger ». Ils surent infliger de lourdes pertes à l’armée « nigérienne ». Aujourd’hui, le gouvernement « nigérien » a reconnu leurs droits culturels, linguistiques et ethniques. Ce reconnaissance devrait être un exemple pour tous leurs frères imazighen. Malheureusement, comme le souligne Jeune Afrique / L’Intelligent, « la fragmentation géographique des Imazighen ne contribue pas à donner une homogénéité à leur revendication commune. Et ce, en dépit de leur poids démographique considérable (4) ». Pourtant, vouloir demeurer soi-même, n’est-ce pas la revendication essentielle ? La pseudo-« Algérie » contre la France Désireuses de maintenir intact son racket sur les ethnies du territoire « algérien », Alger a trouvé en la France le bouc-émissaire parfait. Cette fameuse France qui, en dépit des multiples vexations, a toujours été la vache à lait de l’« Algérie ». Déments pathologiques, des « députés de la coalition gouvernementale, F.L.N. […], R.N.D. (parti au pouvoir), et M.S.P. (islamiste légal), ont brodé autour du même motif : “ la France est derrière tous les maux qui ont accablé l’Algérie depuis 1962 ”. Certains députés ont été jusqu’à demander la rupture des relations diplomatiques avec Paris (5) ». Ensuite, le président « algérien » Abdelaziz Bouteflika a estimé que « les troubles actuels seraient l’œuvre de la France, qui veut déstabiliser le régime algérien pour lui faire payer ses velléités de rapprochement avec les Américains », cette France considérée par les partisans de Bouteflika comme « l’ennemie d’hier et d’aujourd’hui » (6). Le vieil apparatchik s’y connaît sûrement en matière de manipulation. S’il en avait le courage, il rendrait publics les agissements sanglants de ses services secrets dans l’Hexagone. La terrible campagne d’attentats à Paris de l’été 1995 est très certainement une action concoctée des barbouzes « algériennes ». Imputés aux islamistes radicaux, les attentats voulaient à la fois faire pression sur un Chirac nouvellement élu et facilement impressionnable, obliger l’État français à renforcer son appui aux sinistres « éradicateurs » de maquisards barbus et se venger des nombreuses défaites de l’A.L.N. pendant la guerre d’Algérie (7). La grande trouille de l’Establishment « algérien » face à la contestation berbère s’explique aussi par « la crise des idéologies arabes qui cimentaient la rue, comme les nationalismes, le baasisme, et le début du reflux de l’islamisme [qui] favorisent l’émergence d’une radicalité berbère. Ce mouvement peut devenir une lame de fond qui remette en cause le dogme arabo-musulman (8) ». Ils craignent que ce soulèvement authentiquement populaire et identitaire ne se transforme en un puissant mouvement indépendantiste. Pourtant, c’est dans cette direction que devraient (et devront) s’orienter les Berbères d’« Algérie », sinon leur identité culturelle risque d’être anéantie par l’alliance des rouleaux compresseurs occidento-mondialiste et islamo-saoudien. Vers le Maghreb des régions autodéterminées En quarante ans d’indépendance, l’État artificiel « algérien » aura su conserver de la France sa partitocratie crapuleuse et son jacobinisme stupide. Le combat identitaire des Kabyles et des Touaregs ne doit pas être que culturel et social, il doit nécessairement prendre une dimension politique, voire armée. Les Kabyles disposent des fondements d’autogestion communautaire puisque chaque quartier de village possède son conseil, qui envoie un délégué siéger à l’assemblée communautaire (djemaa), chargée de faire respecter le kanun, le code coutumier clanique. Les Imazighen pratiquent donc depuis longtemps la démocratie de proximité. Ils sont prêts à assumer leur indépendance. La seule véritable solution d’avenir réside d’ailleurs dans l’autodétermination du Sahara et de la Kabylie. « Les unités régionales comme le Rif au Maroc, la Kabylie en Algérie ou encore le Sahara occidental, remarque l’historien Benjamin Stora, seront les nouvelles réalités géopolitiques et économiques, chevauchant les frontières entre États. Ce sera la fin de l’idée que la puissance des États peut, seule, contrôler l’ensemble des ressources économiques, culturelles et politiques. Plus que le “ Maghreb des peuples ”, devenu un slogan incantatoire, c’est vers le “ Maghreb des régions ” que nous nous dirigerons au XXIe siècle (9). » Peuple fier, courageux et combatif, les Berbères ont le devoir d’arrêter la tragique expérience étatique « algérienne ». Vive les « Berbéries » libres et souveraines ! Georges Feltin-Tracol Notes 1 : Seule exception : les Kabyles ont absorbé en quelques décennies les Vandales venus de Germanie. Auraient-ils reconnu dans ces guerriers européens leur propre reflet ? 2 : Le berbère est la plus ancienne langue parlée d’Afrique du Nord sont les origines restent mystérieuses. Les spécialistes l’apparentent à la famille chamito-sémitique. 3 : Ni chiite, ni sunnite, l’ibadisme est un courant schismatique de l’islam qui résulte du kharidjisme. Les ibadites sont actuellement largement majoritaires dans le sultanat d’Oman. 4 : in Jeune Afrique / L’Intelligent, du 24 avril au 7 mai 2001. 5 : in Libération, 29 juin 2001. 6 : in Le Figaro, 12 juillet 2001. 7 : L’« Algérie » cessera son attitude vindicative et revancharde envers la France non pas quand celle-ci aura fait amende honorable et juger ses « militaires tortionnaires », mais quand la France sera devenue « algérienne ». 8 : Benjamin Stora, in Le Figaro, 5 juillet 2001. 9 : Benjamin Stora, in Le Monde, 21 décembre 1999. • Paru d’abord dans Roquefavour, n° 16, décembre 2001. Rubriques EN PREMIÈRE LIGNE Éditorial Publications EN TERRES DE FRANCE Enseignement Institutions Politique Réinformation Société Terroirs et territoires ENCHÂSSER L'ÉCONOMIE Analyses Recensions FÉDÉRALISME, SUBSIDIARITÉ ET RÉGIONALISME Idées fédérales Le fait régional Recensions FIGURES ILLUSTRES ET EXEMPLAIRES HISTOIRE De l'idée napoléonienne De la question dynastique Recensions Réflexions INTÉRÊTS CULTURELS De l'image (B.D. et cinéma) Des arts Littératures Patrimoine Philosophie et sciences Portraits littéraires et artistiques L'ENJEU GÉOPOLITIQUE De l'Amérique De l'Europe En Afrique En Orient compliqué Occident et thalassopolitique Problématiques eurasiennes Questions linguistiques Recensions Réflexions thioises L'IMPÉRATIF ÉCOLOGIQUE Réflexions POUR LA PLUS GRANDE EUROPE… DE L'ESPRIT ! Fondements Les Fils d'Ariane PRIMAUTÉ MÉTAPOLITIQUE Penser au milieu des ruines Recensions SPIRITUALITÉS, ÉSOTÉRISME ET ASTROLOGIE L'agencement des cieux L'œil occulte… Questions religieuses Regards païens Liens (Ré)orientations dans un monde de transition Abrogeons la loi Gayssot ! Action Nature et Terroir Action sociale et populaire Agence 2 Presse Alain Daniélou Alain de Benoist Alliance géostratégique Alliance régionale Flandre – Artois – Hainaut Alliance royale Alliance sociale Altermedia Alternative Europe Archaïon Archives Guillaume-Faye Askesis Association pour la sauvegarde et l'expansion de la langue française Association universelle d'espéranto Au cœur des Mythes Au cœur du pouvoir : Le Siècle (sur le club le plus puissant de France) Aventure européenne Balkans Info (B.I.) Belle et Rebelle Bloc Identitaire Blogue de Jean-Marie Lebraud Blogue de la liberté de penser Blogue de Yann Redekker Blogue de Yves-Marie Laulan Blogue politique de Laurent Ozon Bruxelles 2 (L'Europe de la défense et de la sécurité) Bulletins de réinformation sur Radio-Courtoisie Ça vaut la peine – Exigeons le rétablissement de la peine de mort Carnets de Courtoisie Casa Pound (en italien) Centre international de formation européenne Centro Studi La Runa (en italien) Cercle bolivarien de Paris Cercle Futur Cercle Jacques-Bainville Cercle Renaissance Cercle sportif Tyler-Durden Club Acacia Collectif Expulsions sans frontières Comité d'entraide aux prisonniers européens Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques Confédération des écologistes indépendants Contre l'O.T.A.N. Contre-Info Cornelius Castoriadis Counter-Currents Publishing. Books Against Time (en anglais) De defensa Décroissance Défense de la langue française Des racines et des elfes Dextra Dies irae Dissonance Earth First ! (en anglais) Éditions Akribeia Éditions Alexipharmaque Éditions d'Héligoland Éditions Dualpha Éditions L'Âge d'Homme Éditions Xénia Égalité et Réconciliation Encyclopédie du souterrain Engarda (Culture – Europe – Action) Enigma (émission web-radio) Ergonisme (Jacob Sher) Euro-Rus Euro-synergies Eurocombate Europa Esperanto-Unio Europa Radio Europe identité Europe solidaire (Pour une Europe intelligente) European Friends of Belarus (en anglais) Europæ Gentes Faits & Documents Fédération païenne internationale Fondation Yann Fouéré Forum Carolus Forum étudiant (syndicat étudiant nationaliste) François Desouche François-Bernard Huyghe Front des Patriotes Front national G.R.E.C.E. Gabriel Matzneff Gémini et Daniel Cologne Genève non conforme Georges Dumézil Géostratégie Groupe Union Défense Guerre sociale Hervé Juvin Het Vlaams Huis (La maison flamande) In girum imus nocte et consuminur igni Infoguerre Initiative citoyenne alsacienne – Le sursaut alsacien Institut d'histoire des identités nationale et régionale Institut de géopolitique des populations Institut de stratégie et des conflits – Commission française d'histoire militaire Institut néo-socratique Internationale ethniste Internationale Situationniste Jean Raspail John de Nugent (en anglais principalement) Jules Monnerot Julius Evola Konk Kontre Kulture L'anarchrisme L'Athenaeum L'Esprit européen L'Esprit public L'Insolent La Franche-Comté avec Marine La Grande Relève (économie distributive) La revue Éléments La Vieille Europe La voie stratégique Le chemin sous les buis (carnets païens) Le Club de l'Horloge Le Conservateur Le Ficanas enchaîné (blogue nissard) Le génocide vendéen Le Journal du Chaos Le Libre-Journal de Romain Lecap Le Local 92 Le Lys Noir Le Parti de la France Le Photon Le Polémarque Le Recours aux forêts Le Royaume d'Araucanie et de Patagonie Le Salon beige Lega Nord per l'indipendenza della Padania (en italien) Les Bobards d'Or Les délices de l'Âge de Fer Les nationalistes contre Le Pen Les Non-Alignés Les Sentinelles Liberté politique Librairie Facta Lumière 101 (radio Internet) Lynx Motorrad Club Lyon Dissident Maison commune Manger peinard Manger terroir ! Maurice Allais Maurice G. Dantec Mécanopolis Méridien Zéro Metapedia Métapo Infos Michel Maffesoli Michel-Georges Micberth Mouvement clérocratique de France Mouvement d'action sociale Mouvement des damnés de l'impérialisme Mouvement international eurasien Mouvement Nation (Belgique) Mouvement national-bolchévique français Mouvement Normand National-Anarchist Movement (en anglais) Nationalistes autonomes d'Île-de-France Nationalité – citoyenneté – identité Nationaux-syndicalistes pour l'action Nations Presse Info Ne plus faire fausse route No Reporter (en italien) Nos libertés Nouvelle Droite populaire Nouvelle Europe Novopress Observatoire de l'islamisation Oie des Moissons Opstaan – La jeunesse enracinée (Flandres françaises) Orages d'acier Organisation pour les minorités européennes P.S.U.N.E. Pagan Troop Pan-Doktor Exrudis (blogue sur l'Ukraine) Paneurope PanEurope France Paris – Berlin – Moscou Paris by right Parousia Parti communautaire national-européen Parti communiste des ouvriers de France Parti communiste juchéen de France Parti fédéraliste Parti ouvrier indépendant Parti populiste Parti solidaire français Pensées en contrebande (Jure Georges Vujic) Philippe Randa Physis Pièces et main d'œuvre Polémia Politique de Vie Pour la démocratie directe Pour un protectionnisme européen Projet Apache Prospérité et Partage Racines charnelles Racines du pays niçois Racines et traditions en pays d'Europe Radio Bandiera Nera Radio Courtoisie Realpolitik Rébellion Rebeyne ! Réfléchir et Agir Réseau Regain Réseau Voltaire Restauration nationale Ria Novosti (en français) Riposte Médias Rivarol Robert Steuckers Sagesse païenne Foi chrétienne Scriptoblog Sed Contra Sédévacantisme Sentinel Socialisme et souveraineté Société Pierre-Joseph Proudhon Solidariste Solidarité – Identités Solidarité des Français Solidarité et Progrès Solidarité Kosovo Solidarité populaire Sortir de l'économie Soutien à Leonard Peltier Stalker Stochocratie Synthèse nationale Terre celtique Terre et Peuple Terroirs et productions de France Textes « néo-droitistes » Theatrum belli Thibault Isabel Tolkien Society (en anglais) Tomislav Sunic Touche pas à mon Net Troisième Voie Tropinka TV Norman Channel (la télévision du Mouvement Normand) Une autre jeunesse Union nationaliste et identitaire française Versailles mon amour (pétition contre les viols répétés de ce haut-lieu de notre mémoire) Vir. Redevenir Homme et au-delà Votez démondialisation Vouloir Vox N.-R. Vox populi War Dance (national-anarchisme) Zentropa Copyright © 2009 tous droits réservés. Propulsé par WordPress Abonnez vous au flux RSS. Traduction WordPress tuto.

Archives de la catégorie 'En Afrique

Après le « Printemps arabe », l’hiver du chaos, de la charia et de la dictature par Marc ROUSSET

18 décembre 2011
Les lendemains de la victoire indigne contre Mouammar Kadhafi menacent de déchanter. Seule l’Afrique du sud aura sauvé l’honneur jusqu’au bout, le vrai coupable étant le clan réformiste de Dmitri Medvedev qui, en s’éloignant de la « Realpolitik » de  Vladimir Poutine, en s’abstenant lors de la résolution 1973 qui autorisait le recours à la force pour protéger les populations civiles, aura laissé s’engouffrer dans la brèche l’impérialisme et l’hypocrisie droit-de-l’hommiste. Dmitri Medvedev ne l’aura donc pas « volé « s’il se retrouve  prochainement simple président de la Cour constitutionnelle de la Russie à Saint-Pétersbourg. Moscou a été floué. Paris et Londres ont outrepassé le mandat accordé par les Nations unies et trahi Medvedev en renversant Kadhafi, sous couvert de « responsabilité de protéger » les civils. Nicolas Sarkozy et David Cameron ont tout simplement pris parti  dans une guerre civile, comme Hitler et Mussolini pendant la guerre d’Espagne. L’intervention cynique de l’O.T.A.N. aura eu non seulement pour seul effet d’augmenter le nombre de morts libyens par rapport aux morts virtuels de Benghazi, mais en plus elle aura eu pour effet, en détruisant l’État libyen, de conduire la Libye vers l’abîme.
La réalité tribale en Libye
Le Conseil national de transition (C.N.T.) n’est pas représentatif de la Libye ! Le C.N.T. devra accorder aux rebelles de l’Ouest (la grande tribu arabe des Zintan  du djebel Nefoussa) une place conforme à leur rôle militaire. Les habitants de Misrata, descendants des Turcs, ont pris les armes contre le régime immédiatement après ceux de la Cyrénaïque car la moitié de la population de Benghazi descend d’immigrés originaires de Misrata. Le sentiment d’appartenance tribale et non les bobards démagogiques de Monsieur Bernard-Henri Levy au sujet de la  démocratie, des droits de l’homme et de la liberté individuelle, est la donnée fondamentale de compréhension des réalités libyennes. Il va s’agir de répartir la rente pétrolière en veillant à respecter les équilibres entre tribus et régions, d’où comme en Irak et surtout en Somalie le risque de conflits sans fin entre tribus menaçant l’unité et la paix du pays. L’échiquier libyen est complexe : la région de Bani Walid est le fief des Ouarfalla; Tarhoufa est le fief de l’importante confédération tribale des Tarhouna; Syrte, d’où est originaire Mouammar Kadhafi est le fief des Kadhafa; le Fezzan est le fief des populations kadhafa, magariha, hassouana et touarègues rétribuées et recrutées par le régime; les habitants de Taourgha manifestent une méfiance ancienne à l’encontre des habitants de Misrata; la population jaramna de Ghadamès, à la frontière algérienne, est toujours demeurée fidèle au pouvoir. On prend encore mieux conscience du puzzle tribal lorsqu’on apprend que Mizda, fief des Malachiya et des Aoulad Bou Saif, ainsi que les oasis d’Aoujila, Waddan, Houn, Soukna et Zliten, fief des Aoulad Shaik, se méfient de ceux de Misrata (1) !
Il faut savoir enfin qu’en Cyrénaïque, l’État libyen est très marqué par l’existence sous-jacente de mouvements islamistes et de la puissante secte sénoussie qui avait donné naissance à la première monarchie de 1947. Les tribus en Tripolitaine considèrent les gens de la Cyrénaïque comme des péquenauds prenant le pouvoir et imposant leur nouveau drapeau (le drapeau de la Cyrénaïque, soit un rectangle noir avec un croissant d’islam blanc, avec seulement deux bandes supplémentaires, une rouge pour le Fezzan et une verte pour la Tripolitaine). Bref, l’O.T.A.N. avec ses bombardements unilatéraux, ses porte-avions et ses hélicoptères a fait pencher la balance des armes du côté du C.N.T., sans tenir compte de l’équilibre des forces  sociologiques propres à la Libye. Les médias du politiquement correct se sont bien gardés de dire que tous les Noirs en Libye, soupçonnés d’être des mercenaires, font l’objet d’exactions de la part des fiers combattants du C.N.T. car cela ne correspondait pas aux contes de fées droit-de-l’hommistes du nouveau paysage libyen.
Les  risques de chaos et de  tentation islamiste en Libye
Dmitri Rogozine, ambassadeur de la Russie à l’O.T.A.N., a admirablement bien résumé la situation en Libye et du « Printemps arabe » : « Nous ne nous sommes pas fait d’illusion sur Kadhafi, mais nous ne partageons pas votre vision du monde arabe. Vous pensez que c’est le rendez-vous de l’islam et de la démocratie. Nous croyons que c’est un choix entre un tyran et Al-Qaïda (2) ». De son côté, le C.I.R.E.T. (Centre international de recherche et d’étude sur le terrorisme) s’est inquiété, en revenant de Libye, de l’existence d’une tentation islamiste parmi les insurgés. Son rapport dénonçait le projet d’instaurer une charia islamique dans la Libye d’après Kadhafi. Il n’est un secret pour personne que des islamistes radicaux se sont battus dans les rangs rebelles. Abdelhakim Belhadj est devenu le gouverneur militaire de Tripoli, non reconnu par les tribus de l’Ouest qui ne veulent pas se faire voler leur « victoire ». Capturé par la C.I.A. en 2003, nommé « émir » du Groupe islamique combattant libyen (G.I.C.L.), adoubé par Ben Laden en 2007, il est connu pour avoir été proche de Zarqaoui, le chef d’Al-Qaïda en Irak. Il n’est pas le seul ancien du C.I.C.L. à avoir été  propulsé à un poste militaire de premier plan en Libye. Les objectifs démocratiques des pays occidentaux sont du pain bénit pour les islamistes radicaux, comme cela a failli être le cas en Ouzbékistan si la Russie n’était pas intervenue en 2005 pour mettre en place un dictateur à poigne, Islam Karimov, seul capable d’écarter le danger islamique. La lutte en Libye va, d’ici peu, devenir féroce entre les laïcs et les islamistes. Il est également clair que si le C.N.T. ne parvient pas à démilitariser les milices, ce qui est plus que probable, ni à instituer les conditions de la stabilité et de la sécurité, des conflits lancinants entre tribus apparaîtront, tout comme en Somalie ! Voilà où nous conduit la pantomime démocratique de Nicolas Sarkozy qui, une fois encore, veut nous faire prendre les vessies libyennes pour des lanternes !
Tout cela n’est pas sans nous rappeler la Somalie, où après la défaite du groupe islamiste Al-Shebab, les luttes chaotiques et violentes ont commencé entre les clans pour savoir qui, après vingt années de conflit, prendra le contrôle du pays. La situation actuelle est la pagaille la plus complète et l’instabilité la plus totale avec la création de vingt mini-États surarmés non viables qui se disputent le pouvoir dans une ambiance de guerres régionales. On ne peut pas également ne pas penser à l’Irak avec la suppression des institutions solides de Saddam Hussein et l’absence totale de cohésion entre sunnites et chiites, Arabes et Kurdes. Les Irakiens reprochent aujourd’hui aux États-Unis comme demain les Libyens à la France et à la Grande-Bretagne d’avoir mis en pièces leur société et d’envisager de se retirer sans réparer les dégâts, avec en prime  pour enjoliver le tableau la disparition programmée des chrétiens !
L’après-« Printemps arabe » en Égypte, Libye et Tunisie
Je reviens personnellement d’un voyage en Égypte cet été. Les Égyptiens se fichent comme de l’an 40 de la démocratie ! Ce qu’ils veulent, c’est croûter, comme nous le répétait notre guide copte et comme me l’a montré le cocher d’une calèche à Louxor en attirant mon attention sur son estomac et la maigreur de son cheval ! Or le problème fondamental, même  si l’on tord le cou à tous les Moubarak et les oligarques égyptiens de la terre, c’est que l’Égypte, avec sa population de quatre-vingt millions d’habitants sur 4 % du territoire utile autour du Nil, entouré de toutes parts du désert, n’est pas un pays viable ! Et cerise sur le gâteau, suite à l’éviction de Hosni  Moubarak, le premier ministre égyptien Essam Charaf a jugé que le traité de paix signé en 1979 avec Israël, premier ratifié entre l’État hébreu et un pays arabe, n’était pas sacré ! La mise à sac des archives de l’ambassade d’Israël au Caire, avec destruction d’un mur d’enceinte,  est venue couronner les prémisses du désastre, de la catastrophe monumentale qui s’annonce ! Tout cela se terminera donc par une nouvelle dictature militaire ou la chape  de fer de la charia islamique pour ramener l’ordre dans les chaumières, sans remplir les estomacs pour autant !
Même chose en Libye, mais pays riche par rapport à sa population, contrairement à l’Égypte. Les Libyens veulent avant tout du travail, une bonne éducation pour leurs enfants, de bons hôpitaux, vivre normalement. C’est ce qu’ils avaient avec Mouammar Kadhafi qui de plus, avait amélioré la condition féminine. Les Libyens, suite aux chimères et rêveries de liberté démocratique, risquent bien de tout perdre sans jamais avoir de liberté individuelle. Pour autant les  réalités holistes de la tribu s’imposant à tous, ils risquent de tout perdre pour leur qualité de vie, avec en prime des guerres intestines incessantes et des violences sans fin. Il est fort probable que d’ici peu de temps, les Libyens vont commencer à regretter Kadhafi, nonobstant les haines tribales des gens de Benghazi et de Misrata qui, au mieux feront place aux haines nouvelles  des tribus pro-Kadhafi, soit un prêté pour un rendu .
Quant à la Tunisie, l’impression de gâchis de la « Révolution de jasmin » est chaque jour plus forte. En 2011, l’insécurité a nettement augmenté; les troubles, les grèves augmentent et la fréquentation touristique a baissé de 40 % tandis que les recettes baissaient de 50 %. La guerre civile avec les islamistes qui tentent de miner les institutions laïques est maintenant possible. De 1990 à 2010, la Tunisie avait augmenté de 3,4 % par an sa valeur ajoutée manufacturière par habitant, alors qu’au mieux, elle sera proche de 0 % en 2011. L’éviction de Ben Ali est donc une catastrophe pour la Tunisie, même si lui et sa famille s’en mettaient plein les poches ! En Tunisie, on ne peut pas ne pas penser aux grenouilles qui demandent un roi. La Tunisie connaîtra demain soit une dictature militaire soit la prise de pouvoir par les islamistes.
Quel avenir ?
Il est probable que les barbus tunisiens d’Ennadha et leurs compères égyptiens des Frères musulmans, tout comme leurs compères libyens, attendent le moment propice pour récolter ce qu’une main invisible a semé durant le «  Printemps arabe ». En Libye, le C.N.T. rase dores et déjà gratis ! Le C.N.T. se donne huit mois pour rédiger une constitution s’appuyant sur la charia et non pas sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ce qui était le prétexte de l’intervention occidentale ! Et avec beaucoup de chance, des élections auront lieu après environ vingt mois ! D’ici là, de l’eau aura coulé sous les  ponts dans le désert libyen ! Il semble que, dans le contexte de la « Pensée unique », Nicolas Sarkozy et les charlatans du « Politiquement correct », du droit-de-l’hommisme, de la démocratie universelle in abstracto, de l’Irrealpolitik, n’aient pas tenu compte des réalités politiques, historiques, sociologiques et économiques des pays arabes. Il leur suffisait cependant de retenir les leçons du renversement du Shah d’Iran par l’Ayatollah Khomeiny ainsi que du très difficile  rétablissement de l’ordre et de la paix par la Russie dans le Caucase, en Ouzbékistan et en Asie centrale !
Marc Rousset
Notes
1 : cf. « Libye, les conditions de l’unité nationale », dans Le Monde diplomatique, septembre 2011, p.16.
2 : dans Le Figaro, samedi 18 septembre 2010.

Pour l’Afrique du Nord des régions et des ethnies par Georges FELTIN-TRACOL

25 septembre 2009
Vingt ans après la répression sanglante du « printemps berbère » qui accéléra la constitution d’un mouvement revendicatif culturel kabyle, la Kabylie s’est une nouvelle fois soulevée en avril 2001 contre la pesante tutelle de la clique kleptocratique d’Alger.
Le retour au premier plan de la question berbère montre  l’inexistence d’une quelconque nation algérienne. Avant 1962, celle-ci n’existait pas et sa réalité reste depuis fantomatique. Dans son histoire, l’actuelle « Algérie » fut tour à tour phénicienne, romaine, vandale, byzantine, arabe, ottomane, française. L’appellation même « Algérie » résulte d’une décision française ! Soucieux de concision, le ministre secrétaire d’État à la guerre de la Monarchie de Juillet, Schneider, ordonna, le 14 octobre 1838, le remplacement des expressions « possessions françaises d’Afrique du Nord » ou « régence d’Alger » par celle d’« Algérie ».
En 1962, malgré des défaites militaires cinglantes, le FLN, pétri d’influence jacobine, voulut édifier un État-nation socialiste et arabisant sur l’écrasement des minorités d’origine juive et européenne ainsi que des peuples kabyle et touareg d’ethnie berbère.
L’ethnie berbère
On a tort de croire l’Afrique du Nord (ou Maghreb) uniquement peuplée de populations d’origine arabe. Bien avant leur arrivée vivaient déjà les Berbères. L’origine du nom est confuse. Certains linguistes le rapprochent du grec « barbaros » qui désignaient chez les Gréco-Romains tous ceux qui ne s’exprimaient pas en latin ou en grec. D’autres estiment que le mot vient de l’arabe « kbaïl » qui veut dire « tribu » avant qu’il soit francisé après avoir été utilisé pour la première fois au XVIIIe siècle par des voyageurs anglais. Les Berbères s’appellent « Imazighen » (on prononce « Imazirène », pluriel d’« Amazigh »), ce qui signifie « Hommes libres ». Cette désignation qualifie correctement cette ethnie traditionnellement rétive à la domination étrangère (1). Les Imazighen parlent une langue complexe (2) qui se divisent en différents parlers.
Présents en Afrique septentrionale dès la Préhistoire, les Imazighen ont fondé dans le passé des puissants royaumes avec les Numides de Jugurtha, les Gétules et les Garamantes dont la menace était permanente pour le limes romain, ou les Maures. Le modèle le plus connu de résistance berbère est leur « Jeanne d’Arc » : la Kähina qui s’opposa  l’invasion arabe.
Les Imazighen représentent aujourd’hui un groupe ethnique d’une vingtaine de millions de personnes, se répartissant sur environ 5 millions de km2. Ils sont les plus nombreux au Maroc (40 % de la population, soit 12 millions de personnes) où ils occupent principalement l’Atlas et le Rif. La Kabylie compte 6 à 7 millions d’Imazighen, soit les deux tiers de la nation berbère en « Algérie ». Le dernier tiers est plus composite avec un million de Chaouis dans les Aurès, 100 000 Mozabites ibadites (3) dans la vallée du Mzab près de Ghardaïa et 50 000 Zénètes (Imazighen noirs) vivant dans le Sud-Ouest « algérien ».
Enfin, il y a les « Hommes bleus », les Touareg dont l’écrivain Pierre Benoît crut qu’ils descendaient des mythiques Atlantes. Estimé à un million, ce peuple fier et nomade se répartit entre l’« Algérie », le « Niger », le « Mali », la Libye et le Burkina-Faso. Leur prise de conscience identitaire fut longue, d’autant que, par lâcheté, la France céda aux « Algériens » les territoires du Sahara qui n’avaient jamais fait partie des départements français d’Algérie et dont il avait été prévu à l’origine le placement sous un condominium franco-africain ! Dans les années 1990, au nom de leur identité culturelle et de leur mode de vie traditionnel bafoués, les Touareg prirent les armes contre le « Niger ». Ils surent infliger de lourdes pertes à l’armée « nigérienne ». Aujourd’hui, le gouvernement « nigérien » a reconnu leurs droits culturels, linguistiques et ethniques. Ce reconnaissance devrait être un exemple pour tous leurs frères imazighen. Malheureusement, comme le souligne Jeune Afrique / L’Intelligent, « la fragmentation géographique des Imazighen ne contribue pas à donner une homogénéité à leur revendication commune. Et ce, en dépit de leur poids démographique considérable (4) ». Pourtant, vouloir demeurer soi-même, n’est-ce pas la revendication essentielle ?
La pseudo-« Algérie » contre la France
Désireuses de maintenir intact son racket sur les ethnies du territoire « algérien », Alger a trouvé en la France le bouc-émissaire parfait. Cette fameuse France qui, en dépit des multiples vexations, a toujours été la vache à lait de l’« Algérie ». Déments pathologiques, des « députés de la coalition gouvernementale, F.L.N. […], R.N.D. (parti au pouvoir), et M.S.P. (islamiste légal), ont brodé autour du même motif : “ la France est derrière tous les maux qui ont accablé l’Algérie depuis 1962 ”. Certains députés ont été jusqu’à demander la rupture des relations diplomatiques avec Paris (5) ». Ensuite, le président « algérien » Abdelaziz Bouteflika a estimé que « les troubles actuels seraient l’œuvre de la France, qui veut déstabiliser le régime algérien pour lui faire payer ses velléités de rapprochement avec les Américains », cette France considérée par les partisans de Bouteflika comme « l’ennemie d’hier et d’aujourd’hui » (6).
Le vieil apparatchik s’y connaît sûrement en matière de manipulation. S’il en avait le courage, il rendrait publics les agissements sanglants de ses services secrets dans l’Hexagone. La terrible campagne d’attentats à Paris de l’été 1995 est très certainement une action concoctée des barbouzes « algériennes ». Imputés aux islamistes radicaux, les attentats voulaient à la fois faire pression sur un Chirac nouvellement élu et facilement impressionnable, obliger l’État français à renforcer son appui aux sinistres « éradicateurs » de maquisards barbus et se venger des nombreuses défaites de l’A.L.N. pendant la guerre d’Algérie (7).
La grande trouille de l’Establishment « algérien » face à la contestation berbère s’explique aussi par « la crise des idéologies arabes qui cimentaient la rue, comme les nationalismes, le baasisme, et le début du reflux de l’islamisme [qui] favorisent l’émergence d’une radicalité berbère. Ce mouvement peut devenir une lame de fond qui remette en cause le dogme arabo-musulman (8) ». Ils craignent que ce soulèvement authentiquement populaire et identitaire ne se transforme en un puissant mouvement indépendantiste. Pourtant, c’est dans cette direction que devraient (et devront) s’orienter les Berbères d’« Algérie », sinon leur identité culturelle risque d’être anéantie par l’alliance des rouleaux compresseurs occidento-mondialiste et islamo-saoudien.
Vers le Maghreb des régions autodéterminées
En quarante ans d’indépendance, l’État artificiel « algérien » aura su conserver de la France sa partitocratie crapuleuse et son jacobinisme stupide. Le combat identitaire des Kabyles et des Touaregs ne doit pas être que culturel et social, il doit nécessairement prendre une dimension politique, voire armée. Les Kabyles disposent des fondements d’autogestion communautaire puisque chaque quartier de village possède son conseil, qui envoie un délégué siéger à l’assemblée communautaire (djemaa), chargée de faire respecter le kanun, le code coutumier clanique. Les Imazighen pratiquent donc depuis longtemps la démocratie de proximité. Ils sont prêts à assumer leur indépendance.
La seule véritable solution d’avenir réside d’ailleurs dans l’autodétermination du Sahara et de la Kabylie. « Les unités régionales comme le Rif au Maroc, la Kabylie en Algérie ou encore le Sahara occidental, remarque l’historien Benjamin Stora, seront les nouvelles réalités géopolitiques et économiques, chevauchant les frontières entre États. Ce sera la fin de l’idée que la puissance des États peut, seule, contrôler l’ensemble des ressources économiques, culturelles et politiques. Plus que le “ Maghreb des peuples ”, devenu un slogan incantatoire, c’est vers le “ Maghreb des régions ” que nous nous dirigerons au XXIe siècle (9). »
Peuple fier, courageux et combatif, les Berbères ont le devoir d’arrêter la tragique expérience étatique « algérienne ». Vive les « Berbéries » libres et souveraines !
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Seule exception : les Kabyles ont absorbé en quelques décennies les Vandales venus de Germanie. Auraient-ils reconnu dans ces guerriers européens leur propre reflet ?
2 : Le berbère est la plus ancienne langue parlée d’Afrique du Nord sont les origines restent mystérieuses. Les spécialistes l’apparentent à la famille chamito-sémitique.
3 : Ni chiite, ni sunnite, l’ibadisme est un courant schismatique de l’islam qui résulte du kharidjisme. Les ibadites sont actuellement largement majoritaires dans le sultanat d’Oman.
4 : in Jeune Afrique / L’Intelligent, du 24 avril au 7 mai 2001.
5 : in Libération, 29 juin 2001.
6 : in Le Figaro, 12 juillet 2001.
7 : L’« Algérie » cessera son attitude vindicative et revancharde envers la France non pas quand celle-ci aura fait amende honorable et juger ses « militaires tortionnaires », mais quand la France sera devenue « algérienne ».
8 : Benjamin Stora, in Le Figaro, 5 juillet 2001.
9 : Benjamin Stora, in Le Monde, 21 décembre 1999.
• Paru d’abord dans Roquefavour, n° 16, décembre 2001.
Copyright © 2009 tous droits réservés. Propulsé par WordPress Abonnez vous au flux RSS. Traduction WordPress tuto.

Aucun commentaire: