mercredi 15 février 2012

Personne ne souhaite un conflit avec l'Iran

Rubrique : Géopolitique / A La Une


Le : 12 Février 2012

Personne ne souhaite un conflit avec l'Iran

Au début du mois de février, une rumeur avait circulé dans les chancelleries et les salles de rédaction des journaux du Système, selon laquelle Moscou pourrait autoriser une attaque américaine contre l'Iran en échange de la non-ingérence de l'Occident dans les affaires de la Syrie. Rien n’est plus faux, a démenti immédiatement le ministère russe des Affaires étrangères. 
Le Monde (12-13/02/2012), de son côté, titre à sa une : « Frapper l’Iran : le scénario divise les Etats-Unis et Israël ». Comme on le sait, la situation au Moyen-Orient est des plus confuses : infos non vérifiées, intox délibérée de part et d’autre, objectifs réels méconnus, conjonctures hasardeuses… Ira-t-on jusqu‘au conflit armé ? Si oui, se limitera-t-il à la région ou déclenchera-t–il la troisième guerre mondiale ? 
Vladimir Evseïev de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales (Russie), essaie de faire le point, sans parvenir, hélas, à une conclusion très concrète mais soulève quelques hypothèses.
Polémia
Ces derniers temps, le problème iranien déborde clairement le cadre du domaine nucléaire et acquiert une dimension de plus en plus globale. Cela s’explique par la lutte qui se renforce pour le leadership régional entre l’Arabie saoudite (*), l’Iran et la Turquie (l’Egypte continue à s’enliser dans le marécage de l’instabilité intérieure) dans le contexte du fléchissement du rôle des Etats-Unis au Proche et Moyen-Orient.
Mais la situation est aggravée par les déclarations imprévoyantes des représentants du pouvoir législatif et exécutif de l’Iran qui parlent de la possibilité de fermer le détroit d’Ormuz. Près de 40% du transport maritime de la totalité du pétrole et des produits pétroliers, ainsi qu’une importante quantité de gaz liquéfié, transitent par cet endroit.
La situation devient dangereuse car la 5e flotte américaine, forte de 20.000 hommes embarqués sur les navires de combat et auxiliaires et avec près de 3.000 hommes dans diverses unités côtières, et les forces navales iraniennes sont stationnées dans le Golfe Persique relativement étroit.
Des vedettes rapides iraniennes de production italienne (pouvant développer jusqu’à 130 km/h) et des sous-marins de classe Ghadir se sont quelques fois approchés de trop près des navires militaires américains. Cela pourrait provoquer des incidents armés en mer, ce qui pourrait provoquer le début d’un conflit indépendamment de la volonté des parties.
Israël n’a pas d’ambitions régionales, mais il est très préoccupé par la situation en termes de sécurité internationale près de ses frontières.
Contrairement à l’avis de nombreux experts, le gouvernement israélien ne s’empressera pas de lancer une attaque aérienne contre les sites nucléaires iraniens. L’élite politique et, qui plus est, militaire d’Israël a conscience de toute la gravité des conséquences éventuelles d’une telle attaque.
Indépendamment des résultats obtenus, Israël sera forcément accusé dans le monde musulman d’avoir attaqué un Etat islamique, ce qui affecterait ses relations avec l’Egypte et probablement la Jordanie, le Liban et la Turquie, jetterait de l’huile sur le feu du conflit israélo-palestinien, et renforcerait l’isolement politique du pays. On pourrait s’attendre en riposte à des tirs de missiles contre Israël depuis la bande de Gaza et à partir du territoire libanais contrôlés par le Hezbollah. Selon certaines informations, il disposerait de missiles permettant d’atteindre toute cible sur le territoire israélien.
Pour bien des raisons, il est préférable pour Israël de ne pas participer à un conflit armé avec l’Iran et de charger son allié américain de cette tâche.
Cependant, la situation à Washington n’est pas la plus propice au règlement du problème iranien par la force. C’est précisément la situation économique difficile qui représente le principal obstacle à la réélection du président Barack Obama. En particulier, elle pousse à réduire la présence militaire américaine en Afghanistan. Dans ces conditions, il serait insensé d'initier une nouvelle guerre à l’échelle régionale sans raisons valables. Le blocage du détroit d’Ormuz par l’Iran pourrait être une bonne raison pour lancer une opération militaire. Cependant, une telle évolution de la situation est peu probable.
Dans ces circonstances, l’élite israélienne craint de devoir régler le problème nucléaire iranien par ses propres moyens.
Il est difficile de dire si tel sera le cas. En effet, actuellement les Etats-Unis et l’Europe n’examinent aucun scénario militaire réel contre l’Iran. Néanmoins, les liens israélo-américains sont très étroits, ce qui permet à Tel-Aviv de compter sur un soutien militaire le cas échéant.
En outre, le pessimisme concernant l’efficacité des sanctions économiques et politiques adoptées contre Téhéran prédomine en Israël. Evidemment, Jérusalem soutient les dernières sanctions très sévères de l’Union européenne, notamment celles frappant le secteur bancaire de l’Iran. Mais les Israéliens estiment que c’est insuffisant, et cherchent à ralentir au maximum la réalisation des programmes nucléaires iraniens.
Les explosions de novembre dernier sur la base militaire du Corps des gardiens de la révolution islamique, Amir al-Momenin, située à 45 km au sud-ouest de Téhéran témoignent de l’efficacité de ces actions. Selon les informations israéliennes, le polygone d’essai des missiles balistiques Chahab-3 a été détruit. L’attaque a emporté la vie du général brigadier Hassan Tehrani Moghaddam, qui dirigeait le programme des essais en vol des missiles de ce type.
Toutefois, il serait imprudent de penser que l’Armée de défense d’Israël (Tsahal) n’est pas prête à attaquer les sites iraniens. La question est seulement de savoir à quel point une telle attaque serait efficace compte tenu de l’éloignement de ces sites et de leur niveau de défense élevé.
Ainsi, le site d’enrichissement d’uranium à Natanz est enterré à 8 mètres sous terre et il est protégé par plusieurs couches de béton armé. Le site identique de Fordo est carrément situé dans une montagne, et sa liaison avec le monde extérieur se limite à cinq tunnels. Le potentiel militaire israélien est insuffisant pour détruire méthodiquement les nombreux sites iraniens. Mais ce n’est pas une raison pour renoncer à l’idée même d’une attaque militaire. Apparemment, il est prévu d’attaquer les maillons cruciaux de l’infrastructure nucléaire et de missiles, en utilisant non seulement des vecteurs aériens et maritimes, mais également les unités des forces d’élite spécialisées dans les missions de sabotage.
La société israélienne est convaincue que l’Iran représente une menace. Cependant, l’éventualité d’une attaque contre Téhéran n’est même pas discutée aux niveaux des experts.
Cela s’explique très probablement par le niveau élevé de la confiance accordée au commandement militaire et la crainte d’une éventuelle fuite d’informations. Par conséquent, cette décision sera prise par un cabinet « restreint » de ministres en charge de la sécurité, qui s’appuiera sur les informations au sujet de la préparation de l’Iran à un essai nucléaire fournies par le renseignement militaire.
Si cette information était reçue et confirmée par le Mossad, il est fort probable qu’Israël attaquera les sites nucléaires iraniens. Il serait possible de l’éviter si Téhéran se limitait au potentiel existant et renonçait à fabriquer une arme nucléaire.
Ainsi, Israël n’aspire pas à une confrontation armée avec l’Iran. Un tel scénario aurait des conséquences très négatives pour lui, indépendamment des résultats obtenus.
Cependant, le franchissement par Téhéran de la « ligne rouge », symbolisée par la décision de réaliser un essai nucléaire, conduira inéluctablement à une attaque israélienne.
Par la suite, Tel-Aviv serait très probablement soutenu par les Etats-Unis, ce qui conduirait à une guerre régionale avec des conséquences très graves. Compte tenu de la plausibilité d’un tel scénario, toutes les parties intéressées doivent faire preuve de beaucoup de retenue et de prudence.
Vladimir Evseïev
RIA Novosti 
07/02/2012 
Note :
(*) TEHERAN (AFP 12/02/2012) - L'Iran « ne pardonnera pas » aux pays arabes du Golfe [notamment l'Arabie saoudite et le Koweït] s'ils soutiennent les « complots » des Etats-Unis contre Téhéran, a affirmé le président du parlement iranien Ali Larijani cité dimanche par les médias. « Nous conseillons à certains pays de la région qui ont soutenu (le dictateur irakien) Saddam (Hussein) et soutiennent maintenant les complots américains contre l'Iran de changer de politique », a déclaré M. Larijani. « La nation iranienne ne leur accordera pas un nouveau pardon, et si ces complots contre l'Iran se matérialisent cela aura des conséquences sur la région », a ajouté M. Larijani dans une allusion transparente aux pays arabes du Golfe.
Correspondance Polémia – 12/02/2012
Image : le président Ahmadinejad
Vladimir Evseïev
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